L'arbre qui parlait tout seul.

Publié le par mada.mitsabo

J’étais fréquemment habitué lors de mes 80minutes de marche quotidienne, à être interpellé par des petites voies arrivant de nulle part qui disaient : « Salama ?! ». « Bonjour » en malgache.

Aujourd’hui, alors que je rentre du dispensaire, ma cadence fut à nouveau stoppée. « Salama ?! » Je m’arrête, question de politesse. Mais j’ai beau faire le tour sur moi-même, regarder les rizières, les herbes hautes, les chemins plus lointains… je ne vois rien. Pourtant, je suis certain que ce n’est pas un mauvais tour de mon imagination !

« Salama !! » celui-ci semble plus insistant… Ne voyant toujours rien, je décide alors de répondre à mon tour, ne sachant pas vraiment vers où regarder « Salama ! »

« Comment t’appelles-tu ? »

« Dzélémi ! »

Ca y’est. Je le vois. Il est pourtant là devant moi ! Il s’agit d’un manguier d’une certaine taille déjà, il est là, tout seul, au milieu d’une petite prairie. Il y en beaucoup des manguiers dans la vallée, c’est un arbre apprécié car il ne nécessite aucun entretien, et produit beaucoup de fruits. Mais la particularité, c’est qu’ici, dans chaque manguier que vous croiserez, si vous regardez bien, vous pouvez être certain d’y trouver… un enfant, en équilibre sur une branche. Bah oui, vous n’imaginiez tout de même pas que j’allais faire la conversation avec un arbre ?!

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La mangue, c’est ici la friandise locale, et après l’école, il est de coutume de courir vers les manguiers, comme nous nous courrions étant petits, vers la boulangerie pour acheter des sucettes ou autres tagada.

Le voilà le ptit bonhomme… il m’a bien eu. Des enfants ici, il y en a partout. Certain sur le chemin de l’école, d’autres dans les arbres, d’autres à courir après les zébus, ou encore à barboter dans les rizières, comme nous pataugions dans les piscines… Le contact est évidemment plus facile avec les enfants qu’avec les adultes, et dès le plus jeune âge. Ils vous repèrent de loin, veulent vous dire bonjour, et vous crieront un  « Salama !!!! » même à plusieurs centaines de mètres ! Au loin dans les rizières, ou vagabondant dans des prairies d’herbes plus hautes qu’eux… Le jeu n’est pas toujours évident, et il faut avoir l’œil ! Alors des fois, il suffit de lever la main et de saluer. Ca passe… Ils ne vont pas non plus hésiter à vous parler en Français, qu’ils apprennent à l’école. Alors c’est parfois un peu décousu et brut de décoffrage « Bonjour, comment t’appelles-tu dentifrice 1,2,3,5 » mais ils font au moins l’effort de parler français, contrairement aux adultes.

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Les enfants du Tsaranoro, c’est une chose dont on ne se lasse pas. Car être un enfant dans la vallée, c’est s’avoir s’occuper avec des choses simple. Ici, on joue aux billes, au traditionnel cadre de roue de vélo que l’on fait avancer avec un bâton, à la toupie…  Le terrain de jeu infini, ici pas de route, pas de voiture, de la nature à perte de vue. Mais ce n’est pas facile non plus de grandir ici. Il y’a d’abord la naissance, et une relation particulièrement fusionnelle avec la mère. Jusqu’à ce qu’arrive le petit frère ou la petite sœur…  Et là, tout change. Du jour en lendemain, l’enfant est livré à lui-même sous les ailes protectrices de ses ainés.

 

Ils n’auront pas tardé non plus à comprendre que la housse accrochée à la lanière de mon sac, cachait en fait un appareil photo.

« Photo ? » voilà encore un mot commun à toutes les enfants du monde… Je dois avouer que j’ai mis du temps à accepter de photographier les enfants de la région, pour plusieurs raisons. Déjà, le souvenir des enfants d’Afrique du nord, qui vous harcèleront jusqu’à l’usure, pour que vous les preniez en photo, dans l’unique but de vous demander quelques pièces de monnaies.

Et puis, cette phrase que vous entendrez fréquemment, chez les gens qui reviennent de voyage en Afrique, « là bas, c’est étonnant, ils sourient tout le temps ». C’est faux. Avant tout ce qui devrait étonner, c’est pourquoi chez nous, on ne sourit jamais. Ensuite, si vous regardez bien, dans un groupe d’enfants, il y en a toujours un qui ne sourit pas… Peut être a t’il peur de vous, de votre objectif, peut être se souvient t’il de ce que ses parents lui ont raconté sur comment l’homme blanc a pu traité ses grands-parents il y’a encore 60ans.

 

Et puis cette habitude systématique de toujours pendre pour cible les enfants, dès que l’on veut exposer la misère du monde. Prenez un enfant qui ne s’est pas lavé depuis une semaine, qui a l’air apeuré car il est peut être simplement intimidé par votre objectif… Vous obtiendrez la meilleure affiche publicitaire pour financer la campagne de récolte de dons de n’importe qu’elle ONG.

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Mais bien évidemment, devant l’insistance et la persévérance de certains, j’ai fini par céder… Me prêtant au jeu du « je prends la photo, et je te montre ton image ». Heureusement qu’ici, ils n’ont pas encore compris qu’ils pouvaient racketter les touristes ! Mais j’ai trouvé mieux que ca ! L’écran amovible de mon fidèle Canon, me permet de le retourner entièrement, de façon à ce que les enfants puissent se voir. Ainsi, le moment prend une toute autre dimension, les enfants ne pensant plus du tout à la photo, mais étant focalisé sur l’image qu’ils peuvent voir d’eux. Il ne reste plus qu’à attendre le bon moment, pour appuyer sur le bouton… pour un cliché garanti en authenticité.

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Publié dans Les news du projet

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